Mort Civile à DEN Haag.
Par Gilles SAINATI , membre de PRC
Juriste ayant pour devise « Liberté, Egalité, Fraternité »,
La mort civile a été abolie en France par une loi du 31 mai 1854. Cette peine consistait en une cessation de toute participation aux droits civils et la personne sanctionnée se voyait retiré toute personnalité juridique et ses attributs habituels : dissolution de son mariage, annulation de son droit à succession, pertes de tous ses droits. Cette peine concernait les condamnés à mort, au travaux forcés à perpétuité, aux déportés (article 25 du code Napoléon.)
La transposition de cette sanction dans notre monde contemporain et numérique serait de retirer en plus toute possibilité de moyens de paiement, d’accéder à internet et ses services, en l’interdiction de déplacement et sa limitation extrême.
C’est la situation de Nicolas Guillou, juge français à la Cour Pénale Internationale ainsi que 5 autres juges et trois procureurs de cette juridiction internationale qui ont été placés sous sanction américaine par décision de Donald Trump le 20 août 2025 pour avoir : « autorisé l’émission par la CPI des mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et le ministre de la défense, Yoav Gallant ». Ces deux hommes politiques israéliens avaient été inculpés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour leur rôle dans la destruction de la bande de Gaza.
Quelles sont ces sanctions de nature illimitées initialement destinées aux terroristes : interdiction d’entrée aux USA, mais aussi de tout contact avec une société américaine ou une société détenue par des intérêts nord-américains. Vous devenez interdit bancaire dans le monde, les cartes visa et autres sont nord-américaines et toute transaction basée sur le dollar devient impossible ainsi que l’accès aux services d’internet. Entre autre.
Ces sanctions touchent votre famille, conjoint, enfants et vous interdit tout contact avec un citoyen américain qui devient passible de sanction pénale s’il vous fournit un service ou entre en contact avec vous…malheur si votre conjoint est nord-américain.
(Cf https://www.union-syndicale-magistrats.org/sanctions-americaines-contre-le-juge-francais-de-la-cpi/).
C’est bien une sanction de mort civile qui est prononcée contre les juges internationaux qui font leur métier, c’est à dire poursuivre et juger des crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Cette politique MAGA vise à détruire tout travail au sein d’une juridiction internationale et démolir le droit international.
Ces sanctions US sont aussi utilisées pour châtier les juges qui font leur travail dans l’ordre interne de leur pays comme le juge brésilien (et sa famille) qui a condamné Jair Bolsonaro au Brésil pour des infractions pénales lors de sa tentative de coup d’Etat, allié d’extrême droite du président américain.
Il s’agit ici d’une politique de mise sous tutelle de justices souveraines qui devraient se soumettre aux règles édictées par l’empire américain dont, d’ailleurs, les normes depuis au moins 15 ans sont devenus extraterritoriales. Il suffit de se souvenir de l’utilisation de lois anticorruption US pour attaquer et rançonner certaines sociétés européennes comme Alstom (cas de Frédéric Pierrucci, https://www.sauramps.com/product/76897/pierucci-frederic-le-piege-americain-l-otage-de-la-plus-grande-entreprise-de-destabilisation-economique-raconte)
Cette situation catastrophique des systèmes judiciaires européens doit nous rappeler la totale dépendance dans laquelle nous nous sommes placés à l’égard de la puissance nord-américaine.
Pour ne prendre que le cas de la justice française, en dehors des sanctions de mort civile qui pourraient être prononcés contre des juges dont les décisions indisposeraient l’administration américaine ou ses alliées d’extrême droite, il y a lieu de s’interroger sur les fondations du système numérique judiciaire français dont les principales applications fonctionnent sous des systèmes d’exploitation US ou avec des applications logicielles dérivée US….
Mettre sous sanction ces applications et interdire leur exploitation en France porteraient atteinte aux intérêts fondamentaux du pays. Plus généralement, la numérisation à outrance de l’État ces dix dernières années n’a pas pris en considération ces contraintes.
En quelque sorte, ces sanctions US de mort civile devraient déclencher une réflexion sur les attributs de notre souveraineté et corrélativement la mise en place de projets pour reconquérir notre indépendance en premier lieu les attributs essentiels de notre souveraineté. Cette démarche ne doit pas s’appliquer qu’à la défense nationale, mais aussi la justice, la banque.
Nous ne sommes qu’au début de cette guerre juridique et des normes et l’Europe ne pourra la mener que si elle devient indépendante et souveraine.
